Explorations Textiles

Les tissus imprimés – Partie 1 : Les tissus géométriques : Les rayures

Histoire simplifiée des rayures et des tissus à rayures.

Introduction

Comme nous l’avons précédemment évoqué ici, broder un tissu déjà imprimé peut s’avérer rassurant ou tout simplement inspirant.

Vous vous êtes peut-être même laissé tenter et vous avez participé au défi Facebook, ici ?

Aujourd’hui, je vous propose une approche plus théorique et générale sur les différents tissus imprimés.
Il nous faudra également toujours garder en mémoire que si ces tissus étaient originellement faits dans une matière spécifique (je pense, par exemple à la laine pour le tissu dit « pied de poule »), les procédés et textures modernes font que l’on peut aujourd’hui retrouver ces motifs dans de multiples matières…
L’idée de cette série d’articles m’est venue après la lecture de Broderies sur imprimés de A. Delage-Calvet, publié aux éditions Le Temps Approuvé (LTA). Dans cet ouvrage, les tissus imprimés sont divisés en quatre groupes : les géométriques, les faux-unis, les figuratifs et les classiques.
Nous lui préférerons cependant la classification suivante :

  1. Les tissus géométriques
  2. Les tissus à motifs
  3. Les tissus à motifs en relief.

Note : Je me suis également documentée sur internet (sources multiples) et grâce à divers ouvrages dont Le Guide pratique des Textiles.

Dans cette première partie, nous traiterons des tissus dits géométriques ou graphiques et plus particulièrement encore du premier d’entre eux (nous y rangerons aussi les tissus à motifs répétitifs) :

  1. Les tissus à rayures
  2. Les tissus à carreaux
  3. Les tissus à pois
  4. Les autres tissus à motifs géométriques (étoiles, chevrons, etc.)

Petite histoire des tissus à rayures

Les principales informations de ce chapitre proviennent de ma lecture du passionnant ouvrage de Michel Pastoureau – L’étoffe du diable – Une histoire des rayures et des tissus rayés (lu dans une seconde impression plus fournie en notes, me semble-t-il), publié pour la 1ère fois en 1991.

Si les tissus à rayures peuvent aujourd’hui être associés à des aspects positifs (univers marin ou sportif, Haute-Couture, Drapeaux, etc.), il est loin d’en avoir toujours été ainsi…

Les rayures au Moyen-âge

Au Moyen-âge, en Occident, les rayures étaient l’apanage des exclus de la société (bouffon, juif, hérétique, lépreux, bourreau, prostituée…), alors souvent associés à l’image du Diable, de la perversion et du désordre.

Au niveau iconographique, ces structures parce que brouillant la vision étaient mal perçues. Il faut savoir que dans une peinture, l’œil perçoit l’élément rayé au détriment du reste.

Ce n’est que vers 1500 que les rayures verticales seront réhabilitées en Allemagne et en Italie (un peu plus tard pour la France et l’Angleterre).

Les rayures seront ensuite revalorisées à la Renaissance sans pour autant être totalement réhabilitées. Il faudra pour cela attendre notre époque contemporaine, d’après-guerre.

Ainsi au XVIIème siècle, certains religieux (les carmes), alors surnommés les « Frères Barrés », font l’objet de moult scandales et reproches. Ils portaient alors un manteau rayé et refusèrent pendant des années d’en changer, malgré les menaces d’Alexandre IV en personne ! Cet épisode sera même suivi d’une bulle interdisant aux religieux de porter des habits rayés. On associe les « barrés » aux marques de bâtardise… Même si l’explication de ce rejet s’avère un peu plus complexe.
Vous l’aurez compris, les rayures n’ont pas bonne presse et encore moins lorsqu’elles sont associées à des couleurs ! Les lois somptuaires et autres décrets vestimentaires seront sans appel. La rayure devient un signe distinctif de mise à l’écart et de transgression de l’ordre social.
Dans les armoiries de personnages, les rayures sont là aussi dévalorisantes et perçues négativement, contrairement aux armoiries de famille.
Mais peu à peu, les rayures verticales sont plus nombreuses et plus domestiques (cf. la livrée).
Puis, on retrouvera les rayures dans les costumes militaires ainsi que chez les marins. Même l’aristocratie va se parer de rayures, jusque dans les tissus d’ameublement. Dans les vêtements aussi (surtout au niveau des manches et des chausses), mais les rayures seront là verticales.

Les rayures révolutionnaires

Vient ensuite une période où les rayures se font plus discrètes et ce, jusqu’à la révolution américaine (1775) où elles envahissent le drapeau américain comme les tenues des révolutionnaires. On assiste alors à une véritable avalanche de rayures dans les vêtements mais aussi dans les tissus d’intérieur et d’ameublement.

En France, par exemple, on notera leurs nombreuses utilisations dans le style Louis XVI et Directoire, mais également l’aspect symbolique de la tenue révolutionnaire (jusque dans la cocarde), puis un peu plus tard encore dans le drapeau français.

A partir de là, s’habiller avec des rayures, c’est aussi revendiquer des idées (révolutionnaires) et des valeurs.

Il est certain que les méthodes mécaniques de tissage ont permis la diffusion et la prolifération de tissus rayés. Les rayures verticales sont, à cette époque, perçues comme agrandissant les volumes ou affinant une silhouette.

Les rayures romantiques

On va voir co-exister les rayures verticales et horizontales mais aussi assister au retour de la rayure dévalorisante (cf. la tenue des prisonniers, des déportés).

La question ne sera plus tant celle de la verticalité ou de l’horizontalité des rayures mais plutôt celle de leur largeur et de leurs couleurs.

Les rayures marines

Si on trouve des traces de marinière dans le milieu marin dès le XVIIème siècle, elle ne sera officialisée par la Marine Nationale qu’en 1858 pour la tenue des matelots. L’origine est plus que floue (rayures dévalorisantes ? rayures plus facilement repérables ? liée à la trame du tissage / tricot ?)

La rayure marine s’est peu à peu invitée sur les rivages, devenant plaisancière puis progressivement sportive et liée aux loisirs.

Elle deviendra même de bon goût, luxueuse (1900-1920), enfantine et sportive (tenue des arbitres, maillots, drapeaux, etc.). Cependant, elle reste aussi l’apanage des canailles (Al Capone) et véhicule l’idée de danger (jusque dans la signalétique routière).

Conclusion

Plus qu’une marque distinctive, la rayure est aussi signe de remise en ordre. Le rayé est ce qui se voit. Horizontales ou verticales, fines ou larges, simples ou doubles, « craie » ou « tennis », sans motif, Bayadère, Madras, couleurs ou monochromes… Les rayures sont aujourd’hui à la fête ! Elles peuvent même se combiner en quadrillages ou en lignes d’écolier pour notre plus grand bonheur.

Ne manquez pas l’article de la semaine prochaine consacré à une exploitation du tissu à rayures en broderie d’embellissement. Vos fils fantaisie vont devoir patienter encore un peu, mais il seront mis à l’honneur très bientôt !

2 commentaires

    • Merci pour ton retour ! Peut-être que certains futurs articles te donneront envie d’essayer à nouveau ? 😉

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